Très beau récital d'Ivari Ilja

Lundi 21 janvier, les mélomanes parisiens sont nombreux dans le grand salon de l'Hôtel national des Invalides pour assister au concert d'Ivari Ilja. Il faut dire que ce dernier propose un programme particulièrement ambitieux, composé de multiples chefs-d'oeuvre.

En ouverture, le pianiste offre au public parisien une oeuvre du compositeur estonien Eduard Tubin en hommage à Mart Saar, considéré comme un des fondateurs d'un "style national estonien" en musique. Cette partition, que beaucoup d'auditeurs écoutent sans doute pour la première fois, est magistralement jouée par Ivari Ilja. Les applaudissements nourris de la salle en témoignent, qui saluent à la fois la qualité de l'écriture et la beauté de l'interprétation.

Donner la célébrissime sonate "Clair de Lune" en récital est toujours périlleux, tant elle appartient aux "tubes" légendaires de la musique classique. Mais dès les premières mesures de la quatorzième sonate de Beethoven, il ne fait pas l'ombre d'un doute que le pari sera tenu avec panache. Ivari Ilja interprète le fameux Adagio initial avec retenue et gravité, loin de tout sentimentalisme; quant au Presto agitato qui clôt le morceau, il en fait ressortir avec brio toute la puissance et la fièvre.

Dans l'opus 110, le pianiste opte résolument pour une vision lumineuse et sereine de l'oeuvre. Ce choix apparaît profondément pertinent dans la mesure où il permet de mettre en valeur le magnifique contrepoint de la partition; la sonate retrouve ainsi une grandeur qui lui est peu habituelle mais qui lui sied à merveille.

Lauréat du Concours Chopin en 1985, Ivari Ilja est un spécialiste reconnu des oeuvres du compositeur polonais et le prouve une fois de plus ce soir. De la Sonate n°2, il propose une vision très engagée, où le mystère est aussi présent que la passion. Que ce soit dans le premier mouvement ou dans la fameuse Marche funèbre, le pianiste fascine par sa capacité à restituer avec clarté les différentes lignes mélodiques. Après un Presto final hallucinant, Ivari Ilja conclut en beauté son récital par le deuxième impromptu, pièce plus apaisée.

Une superbe mazurka de Chopin, en bis, prolonge encore un peu le plaisir du public. Il ne fait nul doute que le pianiste Ivari Ilja a su conquérir le coeur des mélomanes. La saison de concerts estoniens du 90è anniversaire de l'indépendance a débuté de la meilleure manière! Nous attendons désormais avec impatience le concert de Heli Jakobson le 11 février prochain.