Magnifique voyage musical et littéraire

Le second volet des concerts de piano estonien en l'honneur du 90è anniversaire de l'indépendance de l'Estonie a eu lieu le lundi 11 février, dans le Grand Salon de l'Hôtel national des Invalides.

Cette manifestation se voulait "musicale et poétique", comme l'annonçait le programme. De fait, la pianiste estonienne Heli Jakobson était associée à la récitante belge Lutgart van Ballaer, tandis que des photographies de la nature estonienne réalisées par Fred Jüssi étaient projetées à côté de la scène. L'idée maîtresse de la soirée était de faire découvrir au public les riches facettes de l'âme estonienne et de le convier à un voyage artistique : le but a été parfaitement atteint.

Heli Jakobson avait composé un programme remarquable d'intelligence et de cohérence. Comme elle l'expliquait elle-même, elle souhaitait faire découvrir aux auditeurs "l'histoire musicale estonienne en évoquant différents styles et les compositeurs les plus importants". Ayant pris soin d'alterner pièces brèves (Sisask, Pärt) et morceaus plus longs (Sumera, Tüür, Eller), elle optait pour une progression subtile, permettant au public souvent peu familier des oeuvres estoniennes d'y trouver ses repères.

Aussi à l'aise dans les extraits du Cycle du Ciel étoilé d'Urmas Sisask que dans les partitions minimalistes d'Arvo Pärt (Pour Alina et Variations à l'occasion de la guérison de la petit Arina), Heli Jakobson donnait la pleine mesure de son talent dans la Sonate pour piano d'Erkki-Sven Tüür. Lors de son premier récital parisien en juin 2006, elle en avait déjà livré une interprétation maîtrisée; deux ans plus tard, elle a stupéfié encore davantage son auditoire. Faisant apparaître des contre-chants inouïs ou dessinant des rythmes audacieux, elle a démontré sa connaissance intime de l'écriture de Tüür et sa grande musicalité.

A ses côtés, Lutgart van Ballaer se comportait en partenaire attentive et pleine d'esprit. Déclamant des textes de Kaplinski, Sisask ou bien encore Valton, elle parvenait à prolonger la magie du piano en recréant un univers imaginaire, fait de sonorités et de métaphores inédites.

Les spectateurs applaudissaient chaleureusement les deux artistes à la fin de leur prestation. A la sortie du Grand Salon, nombre d'entre eux ne cachaient pas leur enthousiasme, soulignant que "le voyage n'était pas qu'intérieur, mais également réel". D'autres insistaient sur "l'impression d'extrême délicatesse, un peu à fleur de peau, et de nostalgie indéniable" qui émanaient de ce bouquet de notes et de mots.

Souhaitons que ce voyage musical se poursuive lors des concerts à venir...

PS : une critique de ce concert a été réalisée par Simon Corley, pour le site concertonet.com : vous pouvez la consulter ici.